Promenade [Clos]

Le vent balaie les hautes herbes de la vaste campagne autour d'Ys, chargeant l'atmosphère d'embruns salés. Des milliers de fleurs s'épanouissent dans la verdure et les oiseaux offrent un concert presque assourdissant dans les arbres. Olwen marche, solitaire, s'emplissant les poumons de ce bon air si pur et se remémorant le passé, les journées qu'elle passait ici avec ses amis, avant le Cataclysme.

Elle se sent un peu triste, les choses paraissent être les mêmes et, pourtant... Les pierres, les brins d'herbe, les animaux eux-mêmes semblent chargés d'une certaine mélancolie. Il n'y a plus la même joie de vivre. La beauté de la campagne n'est qu'un pâle reflet de ce qu'elle était AVANT.

Une fois n'est pas coutume, Ellen avait quitté la prétendue sécurité de la ville pour permettre à son pauvre cheval de se dégourdir les pattes. Sur une petite ile comme celle d'Ys, les chevaux n'avaient plus vraiment d'utilité et, à défaut d'avoir fini dans une casserole comme beaucoup de ses congénères pendant la période qui avait suivi la catastrophe, le jeune hongre restait enfermé dans ses écuries une bonne partie de son temps. Aussi s'en donnait-il à cœur joie sur les chemins campagnards, sans grand intérêt pour les ordres donnés par sa maitresse.

"Je t'avais dit d'aller à gauche, vers le port, à GAUCHE!"

La malheureuse avait beau tiré sur les rênes comme une forcenée, sa bourrique ne voulait pas lâcher l'affaire et s'enfonçait plus profondément dans la campagne luxuriante, là où il pourrait galoper à tout va, sans s'occuper de ses horreurs qu'on appelait des 'routes'.
Soupirant avec force, Ellen abandonna la lutte, bien consciente qu'elle était plus ridicule qu'autre chose.

Quelques minutes plus tard, la jeune conseillère se retrouva à pied, tandis que sa monture s'égayait dans les champs, les rênes au vent. Certes, on ne l'aurait pas dit, mais l'animal était bien dressé et ne risquait pas de trop s'écarter de sa maitresse. Au pire, il rejoindrait la cité le soir même, l'appel de l'avoine devenant trop fort…
C'est alors qu'Ellen aperçut une jeune femme, un peu plus loin sur la route. Elle la rattrapa rapidement et la salua, tout en gardant un œil sur sa monture.

"Bien le bonjour! Cela vous dérange si je fais une part du chemin en votre compagnie?"

, demanda-t-elle d'une voix enjouée, bien consciente que certains préfèreraient se promener seuls plutôt qu'en compagnie d'une conseillère royale… Enfin, encore faudrait-il que l'inconnue la reconnaisse en tant que telle. Sinon, elle aurait juste l'air d'une jeune femme très polie!

(Je vais essayer de faire plus long. J'étais un peu en manque d'inspiration. Ah, j'ai rajouté le lien dans ma signature comme tu l'as demandé.)

Un peu surprise d'entendre quelqu'un lui parler, alors qu'elle se croyait seule, Olwen sursauta et se retourna. Elle regarda, un peu effarée, la jeune femme qui s'avançait vers elle. Il lui semblait l'avoir déjà vue quelque part, mais elle craignait de se tromper. Pourtant si, ce visage lui était familier. Elle l'avait déjà vue quelque part. La jeune femme venait de lui poser une question et regardait son beau cheval qui galopait à travers champs, fou de joie à l'idée de ce moment de pure liberté.
Olwen n'avait rien contre un peu de compagnie. Après tout, la campagne était à tout le monde et cela lui ferait du bien de parler avec quelqu'un. Mais bon sang ! Pourquoi n'arrivait-elle pas à mettre un nom sur ce visage?
Soudain, elle se rappela. Mais oui! Cette femme était une conseillère royale. Elle ne se rappelait plus bien son nom mais elle était sûre qu'il s'agissait d'une personne très importante à Ys. Olwen rougit subitement, à la fois flattée et embarassée que quelqu'un de si illustre lui adresse la parole.
"La route est à tout le monde et nous pouvons nous promener ensemble si vous le voulez. Cela ne me dérange pas."
Au fond d'elle-même, Olwen avait du mal à croire qu'une conseillère royale ressente le besoin de se promener en pleine campagne. Cela lui paraissait même inconcevable. Pour elle, ces gens se rencontraient dans des réceptions ou des réunions particulièrement longues et ennuyeuses où tout le monde est tiré à quatre épingles. Elle ne put s'empêcher d'en faire la remarque.
"Je vais vous paraître audacieuse et j'espère que vous me le pardonnerez. Loin de moi de me plaindre de votre compagnie, mais j'ai un peu de mal à vous imaginer vous promener."

Maintenant qu'elle se trouvait face à l'inconnue, Ellen ne put que remarquer qu'elle avait affaire à une Elfe. En tant qu'hybride, elle avait en effet appris très vite à reconnaître ses êtres différents, qui se fondaient parfaitement dans la masse.
D'ordinaire, elle les évitait comme la peste, mais ce jour-là, elle n'avait plus vraiment le choix.

"Merci! Certains aiment parfois mieux être seul alors j'ai préféré demander…"

, dit-elle avec un doux sourire. Elle adapta ensuite son rythme de marche à celui de l'Elfe et continua sa route en sa compagnie.

Ah tiens, on l'avait reconnue… Ca n'arrivait pas souvent, mine de rien. La plupart des gens ne pensaient tout simplement pas à associer une conseillère royale à un autre lieu que le palais. Et lorsqu'ils faisaient le rapprochement, ils étaient presque tous aussi surpris que l'Elfe... Souvent même plus, en fait. Un peu comme si elle n'était pas vraiment de leur monde et vivait dans une autre dimension, là où les gens ne mangent pas, ne dorment pas, et n'ont jamais besoin de s'asseoir...

"Tout le monde a parfois besoin de s'échapper de son quotidien… Une promenade, il n'y a rien de plus simple!"

, répondit-elle le plus sincèrement du monde. Les responsabilités pesaient parfois bien lourd sur ses épaules et, à défaut de se noyer dans l'alcool comme pas mal d'hommes de sa connaissance l'auraient fait (le faisaient...), Ellen préférait de loin s'évader, que ce soit à travers un livre ou simplement en s'éloignant de la ville.

"Vous vous promenez souvent dans les environs?"

Olwen sourit à Ellen. Elle comprenait aisément que la jeune conseillère ressente le besoin de se changer les idées et quoi de mieux que la nature pour cela?

"Avant, oui, je me promenais souvent ici. Avec mes amis, ma famille. Depuis... Eh bien, depuis, cela a tellement changé, il y a tellement de choses qui se sont passées..."

Elle effleura une plante qui montait jusqu'à une certaine hauteur. Elle lui rappelait une anecdote de son enfance. Un souvenir avec sa mère, un jour particulièrement ensoleillé où elles s'étaient promenées toutes les deux sur ce même chemin. Etait-ce la même plante? Non, cela ne se pouvait pas. Il s'était passé tant de choses. La nostalgie fit briller des larmes dans ses yeux. Elle cligna des paupières pour les chasser et sourit.

"J'aime particulièrement la luminosité qu'il y a dans les bois un peu plus loin et puis cela change des livres. J'aime les livres, ils m'aident à m'évader et ils sont fidèles. L'histoire que chacun recèle reste la même, peu importe le nombre de fois qu'on la lit. Pourtant, à chaque fois, j'ai l'impression de la redécouvrir. (Elle fit une pause, réfléchissant)Et je me rends compte que c'est un peu ce que je recherche ici. Je cherche à retrouver les paysages et les sensations familiers de mon passé. Je ne pourrai pas me perdre dans ces chemins, ils me sont familiers. Pourtant, à chaque pas, je les redécouvre."

Olwen se tut, honteuse de s'être autant épanchée. Après tout, la conseillère était là pour se changer les idées, pas pour écouter les plaintes d'une nostalgique. Elle ramena en arrière une mèche de ses cheveux sombres et demanda:
"Vous avez un métier très dur, conseillère. Comment faites-vous pour ne pas craquer? Comment supportez-vous toute cette charge?

Ellen se contenta d'écouter simplement la jeune femme, un léger sourire aux lèvres. Etrangement, elle attirait les petites confidences de ce genre, aussi n'était-elle pas surprise.

Je comprends très bien…"

Souriant toujours, la conseillère ralentit quelques instants puis, dés qu'elle eut repérer sa stupide bestiole qui gambadait un peu plus loin, elle rattrapa l'Elfe, juste à temps pour entendre sa question. Très pertinente, en passant.
Ellen trouvait souvent que les gens avaient un peu trop tendance à critiquer son travail, sans jamais s'inquiéter de sa facilité. Voire même… De sa faisabilité, lorsqu'on en venait à Aaron Weiss.

"Ce n'est pas facile tous les jours, bien évidemment… Le meilleur moyen de s'en sortir, c'est de bien faire la part des choses… Il y a mon travail, et ma vie privée. Une fois que j'enfile mon costume de conseillère, je suis une politicienne qui fait ce qu'elle peut avec les cartes qu'elle a en main."

Après un léger haussement d'épaules, elle reprit:

"Bien sûr, on n'en fait jamais assez. Mais il faut pouvoir lâcher la bride et admettre qu'on ne peut pas tout faire soit même. Quand vous avez accepté cela, la pression peut diminuer un peu et vous êtes plus disponible pour ce sur quoi vous pouvez réellement agir."

Levant les yeux vers le ciel, elle devint soudain très sérieuse et ajouta:

"Beaucoup de choses sont indépendantes de ma volonté. C'est comme ça et je ne peux rien y changer."

Puis un sourire reprit sa place sur ses lèvres et la jeune femme se tourna vers sa camarade, comme si ce petit interlude plus solennel n'avait jamais existé.

"Et vous, dites-moi?! Quelle est votre profession?"

Olwen regarde Ellen récupérer sa monture. Elle réfléchit à la réponse que lui a donné la conseillère et ne l'envie pas. La politique ne l'a jamais intéressée, les intrigues encore moins. Tout ce qu'elle veut, elle Olwen Tangwystl, c'est de vivre tranquillement et de pouvoir continuer à se promener dans la nature.
Ellen lui a posé une question, elle hoche la tête et répond :
"Ma profession? Je suis enseignante. J'ai commencé à enseigner avant la Catastrophe et j'avais beaucoup d'élèves à l'époque. Il y avait plus de monde aussi. Je me souviens que je râlais souvent parce que je n'avais pas une minute pour moi. J'étais tout le temps sollicitée et cela m'agaçait prodigieusement. Maintenant, c'est le contraire. Je dois presque quémander pour avoir des élèves, j'ai beaucoup de temps devant moi et je m'ennuie souvent. C'est pour cela que je viens ici. Du moins, c'est une des raisons. A la campagne, je m'ennuie moins qu'en ville. J'observe les animaux, les plantes, je les écoute et j'apprends. Mon métier me plaît beaucoup mais je crains de devoir en chercher un autre."
Olwen a dit cela d'un ton neutre mais on sent une fêlure dans sa voix. Elle ajoute:
"Je sais que la nostalgie ne sert à rien et que je dois apprendre à vivre avec le présent. Mais c'est dur, parfois je me dis que je n'aurai pas dû survivre. Pardonnez-moi, je m'épanche trop."
Pendant qu'elles parlaient, le soleil avait décliné sa course à l'horizon. Un petit vent frais se levait.

Ellen acquiesça doucement aux paroles de l'Elfe, bien consciente que la seule école de la cité rencontrait un problème de taille: le manque d'élèves. Pourtant, la ville ne manquait pas d'enfants! Mais les parents, dans une attitude qu'ils s'imaginaient probablement protectrice, préféraient les garder à la maison ou les emmener à leur travail.
Pour elle, c'était… naturel. Mais pas judicieux pour autant. L'école avait beaucoup d'importance, et elle devait même avoué que si elle ne s'était pas retrouvée dans son pétrin actuel, elle aurait probablement opté pour une carrière dans l'enseignement.

La suite du discours de sa camarade ne la surprit pas beaucoup plus. Ce sentiment, elle ne le connaissait que trop bien. Cette impression de ne pas être à sa place. Cette petite voix qui lui disait régulièrement qu'elle aurait du être dans cette fichue cave, elle aussi. Qu'elle n'avait pas mérité de s'en sortir alors que d'autres avaient péri.

"Je vois très bien de quoi vous parler, j'ai… J'ai souvent la même impression, moi aussi."

Et oui, la conseillère royale avait également ses moments de déprime. Son deuil était fait, mais tout de même…

"Mais quand elle vient, je me dis… Que personne n'a choisi pour nous qui devait vivre et qui devait mourir. Nous n'avons pas choisi non plus, c'est le hasard. A nous maintenant de vivre pour ceux qui nous ont quitté."

Ellen laissa son regard quitter la route et dériver vers l'horizon que le soleil avait rejoint. Il allait être grand temps de rentrer, si elle ne voulait pas inquiéter son personnel.

"Il va bientôt falloir que je vous quitte…

, informa-t-elle donc l'Elfe, avec une petit geste de la tête vers le soleil couchant.

Cette discussion avait fait du bien à Olwen qui retrouva sa bonne humeur familière et s'excusa de sa mélancolie passagère.
"Vous avez raison, je n'ai pas le droit de me plaindre comme je le fais. Après tout, je dois m'estimer chanceuse."
Elle regarda le coucher du soleil et hocha la tête.
"Au revoir, ravie de vous avoir connue."
Après le départ d'Ellen, elle continua de marcher, plus sereine avant de se décider à retourner chez elle, elle aussi. En chemin, elle ramassa des plantes et des cailloux, les unes pour faire une tisane et les autres pour compléter sa collection. En même temps, elle réfléchissait au sujet de son métier d'enseignante. Une idée germait dans son esprit. En plus d'être une enseignante, elle était érudite et écrivain. Elle avait beaucoup étudié les livres anciens et se disait que son savoir pouvait lui être utile.
Elle ne rentra pas dans sa propriété campagnarde mais retourna dans la ville haute. De plus, avant le déluge, elle avait aussi été bibliothécaire. Elle vivait au-dessus de la bibliothèque. Elle pouvait toujours l'ouvrir et proposer des cours aux personnes qui viendraient. Enthousiasmée par cette idée, elle accéléra le pas et fallit renverser une vieille dame.
"Pardonnez-moi madame. Je ne vous ai pas fait de mal, j'espère?"
Pendant une minute ou deux, la vieille ne put rien répondre. Elle ouvrait de grands yeux ronds comme des billes et Olwen craignit qu'elle fasse une attaque. Ce ne fut heureusement pas le cas et la vielle dame répondit :
"Il n'y a pas de mal. Il n'y a pas de mal. Vous êtes Olwen Tangwystl, n'est-ce pas? Nous nous sommes déjà parlés, à propos de votre cousin Peire."
"Je me souviens, oui."
"J'ai retrouvé sa trace."

Ellen sourit doucement et répondit à la salutation de l'Elfe.

"Tout le plaisir était pour moi. Bonne fin de promenade! Et j'espère 'à une prochaine fois'."

Elle fit alors quelques pas dans l'autre sens en menant son cheval par la bride, puis remonta en selle dans un mouvement souple. Elle dirigea immédiatement l'animal vers la ville et le lança au galop, son esprit entièrement tourné vers la fin de leur discussion.
Peut-être devrait-elle parler du problème de l'école au Conseil? Peut-être était-ce à eux de prendre certaines décisions pour ramener les enfants sur les bancs de l'école?

La jeune femme en était encore à se demander comment elle allait faire passer la pilule à ses adorables collègues quand elle rallia les portes de la ville. On ne l'y arrêta même pas (en fait, il n'y avait même plus vraiment de gardes à ces inutiles portes…) et elle rejoignit sa demeure où l'attendaient ses domestiques.
C'est en jetant un œil au petit garçon de la cuisinière qui donnait un coup de main à sa mère qu'elle se décida. Oui, décidément, il fallait faire quelque chose pour cette école… Et elle allait commencer en y envoyant le seul gamin qu'elle avait sous la main... Le pauvre petit! Il n'avait aucune idée de ce qui allait lui tomber dessus!

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